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Ali Farka Touré, le miel n'est jamais bon dans une seule bouche streaming regarder en ligne avec sous-titres anglais FULLHD

  • Ali Farka TourĂ© – Le miel n’est jamais bon dans une seule bouche
  • France, Mali
  • -
  • 2001
  • RĂ©alisation. Marc Huraux
  • Image. Jean-Michel Humeau, Marc Huraux
  • Son. Julien Cloquet
  • Montage. Marc Huraux, Sandie Bompar
  • Producteur(s). Serge Lalou
  • Production. Les Films d'Ici
  • InterprĂ©tation. Ali Farka TourĂ©, Affel Bocoum, Oumar TourĂ©, Hamma SankarĂ©, Souleyman KanĂ©, Samba TourĂ©, Oumar Diallo Barou, DiĂ©nĂ©ba DokourĂ©, Concano Yatara, Yoro CissĂ©
  • Date de sortie. 10 juillet 2002
  • DurĂ©e. 1h33

African bluesman, par Sarah ElkaĂŻm

Ali Farka TourĂ© – Le miel n’est jamais bon dans une seule bouche

Construit comme le portrait de la terre qui a nourri le musicien, le tableau d’un lieu ancestral oĂą cohabitent diffĂ©rents peuples de la boucle du Niger, le documentaire de Marc Huraux est un bijou ; parce qu’il montre un vrai regard d’auteur, par le biais d’images très travaillĂ©es, et parce qu’il rĂ©ussit Ă  capter l’essence d’un homme et d’un lieu, dans leur vĂ©ritĂ©.

Marc Huraux est un habituĂ© du film documentaire musical. RĂ©alisateur en 1987 de Bird Now. sur l’expĂ©rience des artistes noirs des annĂ©es quarante autour de Charlie Parker, puis en 1989 de Check the Changes. voyage sur les scènes de jazz dans Manhattan, Brooklyn, le Bronx pendant les annĂ©es Reagan, ses films possèdent une vraie marque de fabrique. la capacitĂ© d’inscrire un musicien dans les lieux emblĂ©matiques de sa vie personnelle et artistique.

Et c’est bien de ça qu’il s’agit avec son film autour de la figure d’Ali Farka TourĂ©, un film sur le « dĂ©centrement », explique-t-il en citant le musicien malien. « Vous me dites que le centre du monde est Ă  Paris ou Ă  New York… Je ne suis pas d’accord. Il passe exactement au centre de ma rĂ©gion, le pays des gĂ©nies, le berceau de la musique que vous, vous appelez “blues”, mais qui existe depuis des milliers d’annĂ©es chez nous… C’est moi qui suis au centre, et vous, vous ĂŞtes Ă  la pĂ©riphĂ©rie… » « Vous », c’est-Ă -dire nous, depuis notre Occident, qui avons collĂ© Ă  TourĂ© l’Ă©tiquette de « celui qui n’est pas venu vivre en Occident », comme si le succès devait nĂ©cessairement amener l’exode. Mais Ali Farka TourĂ© est un enfant de NiafunkĂ©, au sud-ouest de Tombouctou, sur les rives de l’immense fleuve Niger. NiafunkĂ©, quelque 10 000 habitants, Ă©tait le grenier Ă  mil du Mali, du temps de l’empire de Gao et de la splendeur de Tombouctou.

Issu d’une famille noble de culture Songhay, Ali Farka TourĂ© n’Ă©tait pas destinĂ© Ă  devenir musicien, n’Ă©tant pas issu d’une famille de griots. Autodidacte, grand connaisseur de toutes les traditions de sa rĂ©gion, et notamment des gĂ©nies de l’eau, qui rythment le quotidien des habitants, Ali Farka TourĂ© est toujours restĂ© cultivateur, tout comme son compatriote Salif Keita, qui a annoncĂ© rĂ©cemment se retirer de la scène musicale pour se consacrer Ă  ses cultures.

En 2004, Martin Scorsese le filme dans From Mali to Mississipi ; c’est dans les annĂ©es 1970 qu’Ali Farka TourĂ© dĂ©couvre le blues amĂ©ricain, et sa filiation avec toutes les traditions musicales du Nord-Ouest du Mali. Son rĂ©pertoire comprend onze langues diffĂ©rentes, surtout en songhay et en peul, mais aussi en bambara, en dogon, en bozo, en tamashek. Un homme profondĂ©ment enracinĂ© dans sa terre, qui contribue Ă  l’autosuffisance alimentaire de son village, NiafunkĂ©, oĂą il enregistra l’album Ă©ponyme en 1999.

La grande rĂ©ussite du film de Marc Huraux rĂ©side dans sa capacitĂ© Ă  capter l’essence de l’homme au sein mĂŞme de son lieu de vie ; le propos du rĂ©alisateur n’est pas de brosser un portrait distancĂ© du musicien, mais bien de capter la profondeur d’une vie, plus que de juxtaposer des Ă©vĂ©nements biographiques. Le documentaire comprend peu de commentaires, laissant plutĂ´t la parole Ă  Ali, intarissable sur les djimballas. les gĂ©nies du fleuve Niger, et la place Ă  la musique qui, en partie intĂ©grante de la vie, est une vĂ©ritable philosophie. « Pour lui, explique Marc Huraux, la musique vĂ©hicule des sentiments nobles. C’est une culture très ancienne, reliĂ©e Ă  tous les aspects de la vie. C’est le contraire de l’entertainment. »

Pour rendre cette vĂ©ritĂ© – car le but d’un documentaire est bien de nous faire toucher une authenticitĂ©, une rĂ©alitĂ© sensible – Marc Huraux travaille le son avec toutes ses aspĂ©ritĂ©s. en gardant des passages live de concerts donnĂ©s dans les villes et villages, en enregistrant des morceaux dans le studio de NiafunkĂ©, dotĂ© d’un Ă©cho naturel un peu sourd et ouvert aux vents. Il ne s’agissait pas de « faire joli » mais de faire authentique, encore une fois.

Avec ce parti pris sur le son, affleure sur l’Ă©cran toute la sensibilitĂ© d’Ali TourĂ©, surnom « Farka », le rĂ©sistant (il est le dixième fils d’une lignĂ©e dont les neuf prĂ©cĂ©dents n’ont pas survĂ©cu). Une sensibilitĂ©, mais aussi une Ă©motion, qui confère au documentaire la qualitĂ© d’un vrai film de cinĂ©ma, et pas seulement d’un reportage distillant des informations plus ou moins brutes. Il n’est que de s’attarder sur l’une des plus belles scènes du film. Marc Huraux sort de sa valise un très vieux 33 tours d’Otis Redding, et passe Try a Little Tenderness dans un cafĂ© oĂą sont rĂ©unis hommes et femmes, jeunes et vieux, autour d’Ali. D’abord très lents, très blues, très doux, la voix et le rythme s’accĂ©lèrent ensuite, tandis que Marc Huraux capte les visages, le regard, les sourires qui deviennent rires et les pieds qui se mettent Ă  marquer le rythme. Ali Farka TourĂ© rayonne, son Ă©motion transperce l’Ă©cran. Un musicien qui possède une connexion presque mystique avec son art, ne pouvait que le transmettre avec autant d’amour au monde entier.

Autre très grande qualitĂ© du film, la beautĂ© de ses images, dans une mise en scène tout entière tournĂ©e vers le majestueux fleuve Niger. gros plan sur l’eau, captation du mouvement, des vagues comme du calme, clapotis, plans resserrĂ©s de très près sur la matière, jusqu’Ă  former un tableau abstrait, jeux des silhouettes qui se dessinent, en ombre au soleil couchant, sur leurs pirogues, focalisation sur les musiciens chantant dans la pirogue, musique et eau se confondant.

Aujourd’hui, Le miel n’est jamais bon dans une seule bouche rĂ©sonne plus que jamais comme un hommage au musicien disparu. Une vraie beautĂ©, des paysages, des hommes, de ce que le cinĂ©ma peut restituer.

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